jeudi 2 juillet 2015

lectures de juin

En juin, j'ai fait une virée à la médiathèque et rapporté quelques nouveautés. Irmina est inspiré de l'histoire vraie d'une jeune femme allemande dont les rêves d'émancipation vont se briser sur le chaos de la 2e guerre mondiale. Elle choisira les compromis avec le régime nazi comme beaucoup de ses compatriotes. Irmina subira une vie aux antipodes des rêves de carrière et d'indépendance qu'elle défendait farouchement lorsqu'elle étudiait à Londres et qu'elle découvrait l'amour avec un jeune barbadien confronté au racisme ordinaire. Celui-ci, devenu gouverneur de son île retrouve sa trace et l'invite. Elle redécouvre un homme qui a suivi son cap, marié et père de famille comblé qui aura entretenu auprès de sa fille (à qui il a donné le même prénom) le souvenir d'une Irmina farouchement décidée à prendre sa vie en mains. Bilan amer au soir d'une vie qui n'a pas tenu ses promesses. Le dessin est très beau et les couleurs splendides.

Berlinoise est un petit roman sur l'amour impossible entre un jeune français rangé qui découvre l'émancipation et l'amour au pied du mur de Berlin démonté morceaux par morceaux et une jeune artiste métisse qui ne trouve pas sa place dans une ville en ébullition vite rattrapée par le racisme néo nazi. L'intransigeance farouche de Maya détruira leur amour. Roman intéressant du point de vue de l'histoire contemporaine, j'ai été vite lassée par le lyrisme débordant de l'auteur.

Tetsuko Kuroyanagi est très connue au Japon où elle anime depuis 30 ans un talk show à la télévision. En France un peu moins, pourtant elle a écrit un joli roman autobiographique qui raconte les années qu'elle a passées dans une école atypique. Totto-chan est une enfant vive et dissipée qui n'entre pas dans le moule des élèves japonais disciplinés. Elle est renvoyée de son école de quartier et Tomoé est sa dernière chance de poursuivre sa scolarité. Le directeur, M. Kobayashi est l'introducteur au Japon de la célèbre méthode Dalcroze dont nous découvrons ici les applications par le prisme d'une enfant de 8 ans. Nous sommes pendant la 2e guerre mondiale et l'école sera bombardée mais l'enseignement dispensé par les instituteurs et le directeur de Tomoé marqueront Tetsuko à tel point qu'elle écrira ce livre pour témoigner de ces années enchantées où elle a appris à vivre avec des enfants différents et particulièrement attachants.

Une nouveauté littéraire de l'année. Un bijou. L'intrigue se situe au début du siècle dernier, dans une maison bourgeoise de province. A cette époque, les femmes ne sont pas préparées à leur nuit de noces. Elle doivent être de bonnes épouses, apprendre à vivre au côté d'un homme qu'elles n'ont pas choisi, avoir de beaux enfants. Victoire subit sa condition comme beaucoup de femmes jusqu'au jour où sa jeune bonne Céleste est enceinte, victime des assauts d'Anselme, le mari de Victoire. L'enfant sera celui du couple stérile. La maternité subie de l'une fera découvrir aux deux jeunes femmes la beauté de leurs corps dissimulés sous les corsets, les emportements de l'amour physique, aux antipodes des saillies du maître de maison. Mais leur différence de condition et l'impossible émancipation financière de Victoire auront raison de leur passion. Leonor de Recondo est une violoniste brillante qui écrit aussi très bien. Amours est un roman aux phrases courtes et percutantes, bien documenté et qui pose des mots très justes sur l'amour maternel et charnel, le rapport au corps à une époque ou les sentiments et les bustes des femmes sont corsetés.

Le corps du narrateur lui, vaut bien un journal qui couvrira toute la période de l'entre deux guerres aux années 2000. Nous voilà embarqués à bord d'un vaisseau humain, naviguant de surprises en surprises selon le développement, les expériences, la décrépitude qu'il subit tout au long de sa vie. Le corps et l'esprit avancent de concert, chacun ayant une répercussion sur l'autre. Cette embarcation va cahin-caha, au gré des évènements extérieurs, des petits et grands bonheurs intérieurs. J'ai retrouvé avec joie la fluidité de l'écriture de Daniel Pennac, son humour et sa poésie, et conseillé la lecture à mon fils car après tout, il s'agit du journal d'un corps masculin, et il s'y reconnaîtra sans doute mieux que moi.

Le mois dernier je m'amusais des pérégrinations d'Alix de Saint André sur les chemins de Compostelle. J'ai voulu connaître le point de vue de Jean-Christophe Rufin. Elle était partie sans préparation, il est un randonneur averti. Elle a démarré bille en tête depuis Saint Jean Pied de Port, il a hésité jusqu'au dernier moment entre une randonnée dans les Pyrénées et le chemin du nord depuis Hendaye. Elle est croyante, il est athée. Elle est bavarde, il est parti avec une tente et a voyagé seul une grande partie du chemin. Mais ils ont traversé les mêmes états. Celui du rodage du corps, puis l'élan chrétien pour finalement parcourir un itinéraire spirituel. Rufin est plus terre à terre et donne moins envie de se cogner les kilomètres moches entre zones industrielles et bitume, les dortoirs surpeuplés et les intempéries. Il dénonce aussi la mauvaise presse qui est faite aux pèlerins par les commerçants lassés d'une clientèle fauchée ou abusant de la crédulité de ses drôles de touristes. Si je fais le chemin un jour, j'aurai peut-être comme lui dans ma mochila un ipad pour mater des séries à l'étape et je prendrai sans doute une fois ou deux les transports en commun pour éviter les 4 derniers kilomètres dont parlait Alix de Saint André, ceux qui n'en finissent pas de vous emmener de l'entrée de la ville à l'endroit où l'on pourra enfin se poser pour la nuit. En tout cas je serai prévenue à l'avance, car quand on fait le chemin une fois, il est fort probable qu'on le refasse encore et encore.

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